J.S. Held publie ses perspectives sur les risques et les opportunités qui devraient avoir un impact sur les organisations en 2025
En savoir plusLa célèbre citation du Mahatma Gandhi, « Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité », reflétait bien le climat prépondérant du monde des affaires il y a quelques décennies. À cette époque, l'unique intention était d'atteindre les objectifs traditionnels tels que l'augmentation de la rentabilité, le respect des exigences réglementaires et statutaires et la satisfaction des parties prenantes internes, sans se soucier des coûts environnementaux et sociaux qu'engendraient cette recherche de rentabilité. Cet état d'esprit se traduisait également dans les pratiques de recrutement. En conséquence, les postes les plus couramment occupés par les cadres dirigeants étaient ceux de directeur général, directeur financier et directeur de la conformité, entre autres. Cependant, l'évolution constante du cadre réglementaire et l'accent mis sur le développement durable, notamment les composantes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), ont contraint les entreprises à trouver un équilibre entre la maximisation de la valeur actionnariale et l'atténuation des conséquences néfastes sur l'environnement et la composante sociale, tout en respectant les principes de gouvernance. De ce fait, de nouveaux postes et de nouvelles fonctions répondant aux exigences du développement durable sont apparus : le plus marquant étant celui de responsable du développement durable (Responsable du développement durable ou CSO).
Avant d'aborder les fonctions et les responsabilités d'un CSO, il convient d'appréhender la signification du développement durable du point de vue de l'entreprise. De manière générale, la durabilité fait référence à la capacité de maintenir ou de soutenir un processus de manière continue au fil du temps. Dans un contexte opérationnel, la durabilité vise à prévenir l'appauvrissement en ressources naturelles ou physiques et à garantir leur disponibilité à long terme. Ainsi, les entreprises doivent utiliser les ressources naturelles de manière optimale afin d'atteindre les objectifs financiers à court et à moyen terme et de développer l'activité de manière durable à long terme.
Examinons le point de vue de Nigel Davies, cadre de l'industrie brassicole, notamment directeur général de Maltdoctor Limited et ancien directeur technique et développement durable de Muntons Plc. Selon Nigel Davies, le concept de durabilité s'est étoffé au fil des ans afin de tenir compte des questions relatives au travail, de l'éthique professionnelle, de l'environnement, de la santé et la sécurité, etc. Le développement durable est devenu une priorité pour les entreprises, car les clients attendent de plus en plus des entreprises qu'elles intègrent ces objectifs dans leur vision et qu'elles en démontrent la mise en œuvre par l'élaboration de produits durables.
Cet article analyse la progression du concept de durabilité, l'évolution du poste de CSO et comment les responsabilités du CSO sont susceptibles de croître à mesure que les enjeux ESG continuent de prendre de l'importance.
Le terme durabilité est dérivé du mot latin « sustinere » qui signifie « entretenir/maintenir/soutenir. » Il s'agit d'un concept très ancien mis en avant par Hans Carl von Carlowitz dans son ouvrage Sylvicultura Oeconomica, publié en 1713. Il y applique le concept de durabilité à la sylviculture, dans le sens d'une utilisation responsable à long terme d'une ressource naturelle.
En prolongement du concept de durabilité, le terme de « développement durable » fait son apparition en 1987 dans le Rapport Brundtland, publié par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies. Dans ce rapport, le développement durable est défini comme « un mode qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »Par la suite, le développement durable des entreprises a été interprété en tant que stratégies opérationnelles durables sur le plan environnemental, réduisant au minimum les incidences sociales et soutenant la croissance économique. À l'heure actuelle, la durabilité est passée du principe de « Ne pas nuire de manière significative » à celui de « Contribution substantielle », devenant une proposition de valeur en matière de critères environnementaux et sociaux tout en améliorant la rentabilité.
Cependant, les cadres dirigeants actuels ne disposent pas de l'expertise nécessaire pour parvenir à de tels résultats en matière de développement durable. Les entreprises ont ainsi confié les actions en matière de développement durable à des personnes spécifiques et ont progressivement créé de nouveaux postes, tels que celui de CSO, afin de revoir les politiques et procédures existantes, de mettre en place de nouveaux cadres, de faire appel à des experts ESG, parmi d'autres stratégies visant à faire preuve de leur engagement en faveur de la durabilité. À titre d'exemple, la nomination de Linda Fisher en tant que responsable du développement durable en 2004 par DuPont, l'un des plus grands groupes industriels de chimie, a été largement médiatisée : il s'agissait de la première nomination à ce poste par une société cotée en bourse. Linda Fisher, ancienne administratrice adjointe de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis, avait occupé plusieurs postes de direction clés dans l'industrie et le gouvernement bien avant de rejoindre DuPont. Pourtant, c'est cette nomination, mettant à profit son expertise des questions environnementales, qui a saisi l'attention publique, car elle a conduit à l'évolution d'un rôle majeur au sein du monde de l'entreprise.
Selon un article publié par Business Chief [1] le 4 juin 2021, les entreprises américaines figurant dans le classement Fortune 500 ont recruté davantage de CSO en 2020 qu'au cours des trois années précédentes combinées. Le nombre de CSO dans les entreprises américaines est monté en flèche, passant de seulement 29 en 2011 à 95 en 2020. Ce chiffre en constante augmentation illustre la place grandissante qu'occupe la durabilité au sein des entreprises américaines.
La tendance est identique en Asie, où la demande de spécialistes en matière de durabilité a augmenté de façon spectaculaire, les préoccupations liées au changement climatique et à la transition vers une économie plus respectueuse étant centrales. Un rapport rédigé par Russell Reynolds Associates [2], article publié le 4 mai 2022 dans le Times of India [3], indique que le rôle de responsable du développement durable se dote d'un champ d'application plus large et requiert des cadres plus expérimentés. Néanmoins, l'article souligne également la difficulté de trouver des talents qualifiés capables d'assumer ce rôle, entraînant une réévaluation de la rémunération des spécialistes en durabilité de 15 % à 20 % et une augmentation de la rémunération de 55 % à 60 % pour attirer les CSO.
Quelles sont les fonctions d'un CSO ? La réponse à cette question semble subir des évolutions quotidiennes. Avec la montée en puissance de ce poste, l'accent est mis sur les responsabilités du CSO et sur la manière dont elles doivent être en phase avec l'évolution des objectifs de durabilité d'une organisation. Bien qu'il soit difficile de définir les compétences et l'expérience spécifiques requises pour être un bon CSO, voici quelques-unes des caractéristiques et aptitudes essentielles citées dans un article sur le monde professionnel de demain :
Il va sans dire que cette personne devra posséder diverses compétences techniques et non techniques, qui peuvent varier en fonction du secteur d'activité, de la taille de l'entreprise et de son stade de croissance, entre autres facteurs. Nos tentatives pour identifier les responsabilités précises du CSO nous ont conduit à consulter des offres d'emploi sur des portails de recrutement et des sites d'emploi destinés aux universités. Selon ces sources, les responsabilités globales comprennent l'évaluation et l'analyse des politiques et des processus de l'entreprise afin d'identifier les lacunes et de proposer des améliorations, la conduite de séances de réflexion pour équilibrer les obligations opérationnelles et l'objectif de respect, de soutien et d'amélioration de l'environnement local et mondial, et l'évaluation de l'efficacité des programmes de développement durable, entre autres.
Les normes de performance de la Société Financière Internationale [4], référence absolue en matière d'orientation ESG, n'impose pas la création d'un poste de CSO. Toutefois, en soulignant l'importance de la gestion des facteurs environnementaux et sociaux au niveau d'un projet ou de l'ensemble de l'entreprise, la norme de performance 1 sur « L'évaluation et la gestion des risques et des impacts environnementaux et sociaux » insiste sur la mise en place d'un système de gestion environnementale et sociale. Ce système doit comprendre une politique spécifique, un mécanisme d'identification et de surveillance des risques, une disposition relative à l'engagement des parties prenantes et un système de réponse.
L'exigence relative aux « capacités et compétences organisationnelles » de cette norme relie tous ces aspects, en soulignant que ce système ne peut être efficace que si l'organisation dispose d'un personnel adéquat et approprié composé de professionnels qualifiés. Par conséquent, pour s'intégrer à ce groupe de professionnels et le diriger, le CSO doit disposer des connaissances et des compétences requises pour conduire l'organisation vers le développement durable de manière compétente et efficace. Identifier les professionnels qui possèdent l'ensemble des qualifications recherchées peut s'avérer difficile. Il est cependant primordial de recruter les bonnnes personnes, car la durabilité n'est plus uniquement une bonne pratique du secteur à appliquer, elle est devenue indispensable.
À terme, la principale responsabilité du CSO, en particulier dans les grandes entreprises, est la mise en œuvre et la gestion du programme de développement durable de l'entreprise. Le CSO doit donc être accompagné dans sa démarche à la fois par le directeur général, en tant que collaborateur direct, et par le conseil d'administration, en tant que conseiller privilégié. Pour piloter la mise en œuvre, le CSO doit être capable de communiquer de manière efficace à tous les niveaux de l'entreprise, ce qui met en évidence la nécessité de disposer de compétences non techniques. Il doit également être en mesure de comprendre les opérations exclusivement technique menées par l'équipe et de saisir le jargon technique associé, d'analyser ces informations et de les traduire en des points intelligibles pour les instances dirigeantes.
Perspectives
Le philosophe grec Héraclite a prononcé la célèbre phrase suivante : « Rien n'est permanent, sauf le changement », ce qui s'applique aux efforts en matière de durabilité dans le monde de l'entreprise. Le développement durable a subitement pris de l'importance, mais ce phénomène va-t-il s'inscrire dans la durée ? Malgré l'absence de lois ou de réglementations mondiales imposant la nomination d'un CSO, les entreprises s'empressent de nommer des personnes qualifiées au poste de responsable du développement durable ou de responsable de l'environnement, entre autres intitulés analogues, afin de témoigner de leur engagement à l'égard de la toute dernière tendance des entreprises.
Certains observateurs ont remis en question la pérennité de cette fonction, se demandant si le poste de CSO n'allait pas disparaître une fois que les organisations auraient atteint leurs objectifs en matière de développement durable. Nous ne sommes pas d'accord avec ce constat. D'après notre expérience combinée, la cupidité humaine trouve toujours une faille dans les systèmes existants, nécessitant des ajustements permanents dans ces modèles. Ainsi, tant que les entreprises poursuivent un but lucratif, la lutte entre les intérêts des actionnaires et ceux des parties prenantes continuera. Les entreprises devront donc s'appuyer sur les conseils d'un CSO afin de maintenir un juste équilibre entre ces intérêts et de s'orienter vers une croissance durable à long terme. Il existe toutefois une éventualité que, compte tenu de la diversité des compétences et de la multitude des responsabilités à assumer par le CSO, les entreprises ne créent pas nécessairement un poste distinct, mais répartissent les objectifs de durabilité entre les cadres supérieurs existants afin d'atteindre l'objectif de développement durable.
Le poste de CSO a néanmoins été créé car les cadres supérieurs en place ne disposaient pas des compétences nécessaires relatives aux aspects liés au développement durable. Les PDG dotés d'une solide expérience détenaient une bonne compréhension des obligations de rentabilité des entreprises, mais ne se concentraient pas autant sur d'autres facteurs. Rappelons comment la durabilité, dans son essence, peut être décrite : comme une manière d'améliorer l'entreprise à travers sa façon d'envisager les individus et la planète, tout en tenant compte de son véritable objectif qui est de maintenir et, en fin de compte, d'augmenter la rentabilité. Ces mêmes PDG expérimentés, ainsi que les directeurs financiers, sont motivés par la performance. Ils ne se concentrent pas, et ne devraient peut-être pas se concentrer sur les personnes et la planète. Le rôle du CSO est d'intégrer le niveau approprié de considération pour les personnes et la planète au sein de l'objectif traditionnel de rentabilité des entreprises d'aujourd'hui. Nous entendons régulièrement dire que les entreprises ne disposent pas de principes moraux et que le résultat net est le seul élément essentiel dans la prise de décision. Le rôle du CSO est peut-être de servir de boussole à l'entreprise pour aligner les personnes et la planète à la rentabilité. Il s'agit là d'une lourde tâche qui requiert un véritable conseiller de confiance.
Nous tenons à remercier Abhijit Yadav, Aditya Dhand, Ishita Suchde, et John Peiserich, dont les connaissances et l'expertise ont grandement contribué à cette recherche.
Aditya Dhand est directeur du département Enquêtes internationales de J.S. Held en Asie du Sud et gère une série de missions d'atténuation des risques ainsi que des enquêtes réactives. Il dirige des enquêtes, des projets d'analyse et d'atténuation des risques et des analyses géopolitiques. Il est également chargé de la rationalisation des processus et des activités. Vétéran de la marine indienne, Aditya a également occupé un poste de direction au sein d'un conglomérat international d'e-commerce. Il possède une vaste expérience en termes d'excellence opérationnelle, de rationalisation, d'enquêtes relatives aux accidents et d'atténuation des risques. En tant que pilote confirmé de l'aéronavale, il a organisé et exécuté des missions dans le monde entier, en collaborant avec 20 Marines étrangères, dont celle des États-Unis et d'autres pays de l'OTAN. En tant qu'enquêteur formé aux catastrophes aériennes, il a contribué à et dirigé des enquêtes sur des accidents en ayant recours à des données électroniques, des témoignages, des dimensions médicales et des audits sur les lacunes existants au sein des processus. Il a également fait partie de comités chargés d'évaluer et d'atténuer les risques liés à la création de nouveaux aérodromes militaires. Ces risques comprennent le terrorisme, les questions environnementales, ainsi que les questions de santé et de sécurité des communautés.
Vous pouvez contacter Aditya à l'adresse [e-mail protégé] ou au +91 88790 71568.
John Peiserich est vice-président directeur et responsable de cabinet au sein du département Environnement, santé et sécurité de J.S. Held. Grâce à ses plus de 30 années d’expérience, John fournit des services de conseil et d’expert aux entreprises de l’industrie lourde et du domaine légal dans tout le pays, principalement dans le domaine du pétrole, du gaz, de l’énergie et des services publics, y compris en tant que témoin expert dans des procédures d'arbitrage et devant des juridictions étatiques et fédérales. Il a une vaste expérience dans l’évaluation des risques associés aux obligations de conformité potentielles et quotidiennes. Il développe des stratégies autour de ces obligations et travaille à la mise en œuvre d’une stratégie de conformité axée sur le client. M. Peiserich donne des consultations en tant qu’analyste indépendant dans le cadre du programme Suspension et exclusion de l’EPA (Agence de protection de l'environnement). John apporte un soutien méthodique aux clients en faisant face aux problèmes de réglementation et législatifs dans les litiges relevant de l’énergie, de l’environnement, du pétrole et du gaz.
Vous pouvez contacter John à l'adresse [e-mail protégé] ou au +1 504 360 8373.
La collecte et la transmission de données environnementales, sociales et de gouvernance des sociétés (« ESG ») comptent aujourd'hui parmi les obligations qui évoluent le plus rapidement, qui sont les plus surveillées et les plus complexes. Il est intéressant de noter qu'aux États-Unis, il n'existe actuellement aucun cadre SEC…