J.S. Held publie ses perspectives sur les risques et les opportunités qui devraient avoir un impact sur les organisations en 2025
En savoir plusEn conjonction avec le conflit militaire en Ukraine, une campagne tout aussi agressive est en cours contre la fourniture de gaz et de pétrole par la Russie.
Le 5 septembre 2022, la Russie a cessé de prétendre que seuls des problèmes techniques étaient à l'origine de l'arrêt du gazoduc Nord Stream qui alimente l'Europe en gaz. Le porte-parole de la présidence Dmitri Peskov a explicitement lié la reprise de l’approvisionnement en gaz à la levée des sanctions contre la Russie.
La Russie est dans une impasse : en étant réaliste, à court terme, un assouplissement des sanctions n’est envisageable que si la Russie : a) cesse la guerre en Ukraine et rend les territoires qu’elle occupe ; ou b) inflige tellement de dommages socio-économiques à l’UE en la privant d’hydrocarbures que l’UE sera contrainte de lever au moins une partie de ses sanctions.
Poutine a choisi l’option b) – en essayant de renvoyer l’UE à sa propre impasse en disant : « assouplissez les sanctions et nous reprendrons les livraisons de gaz. » Ce n'est pas une coïncidence si cet arrêt pour une durée indéterminée d’un important gazoduc survient juste après la tenue du G7. Sommet au cours duquel un groupe de pays a adopté un accord de principe visant à plafonner les tarifs du pétrole russe à partir du mois de décembre. Celui-ci fait partie des efforts de la Russie pour retourner les sanctions des pays occidentaux contre eux-mêmes, en utilisant les exportations d’hydrocarbures comme une arme. Si les prix élevés du pétrole, eux-mêmes en partie tirés vers le haut par les sanctions, sont une aubaine pour la Russie, l'approvisionnement en gaz s’avère être son arme la plus efficace. La dernière initiative de la Russie est particulièrement redoutable si l’on considère la crise énergétique qui agite l’UE. En bridant les approvisionnements européens, Moscou parvient à faire encore monter le prix du gaz et à priver l’Europe d’un produit de base juste avant l’arrivée d’un hiver que la Russie espère froid et difficile. S’il existe de par le monde de nombreux fournisseurs de pétrole brut, les alternatives au gaz russe sont très rares en Europe, en tout cas au moins à très court terme. Norvège et Royaume-Uni peuvent en fournir des volumes marginaux, mais ces pays devront aussi composer avec leurs propres situations critiques ; les USA peuvent exporter du GNL, mais en quantités limitées.
Autrement dit, la Russie joue son va-tout en tentant d’infliger le maximum de souffrances aux populations et gouvernements d’Europe. Les politiciens des pays très industrialisés de l’Europe de l’Ouest commencent à faire face aux perspectives très concrètes du mécontentement des électeurs et des conflits sociaux, par exemple ces Napolitains brûlant leurs factures d’électricité cette semaine et le mouvement « Don’t Pay » au Royaume-Uni. Le Kremlin espère certainement que les électeurs européens finiront par se demander : « aider l’Ukraine vaut-il de subir toutes les difficultés économiques que nous sommes en train de subir ? » et qu’ils pousseront leurs gouvernements à faire ce qu’il faut pour alléger leur fardeau.
Avant tout, ceci illustre le principe de cette offensive de sanctions énergétiques : toute attaque contre le pétrole et le gaz russes aura son effet contraire et équivalent sur les économies des pays européens. Si les agissements de la Russie paraissent imprudents, il faut garder à l’esprit qu’elle a peu à perdre ; d’ici la fin de cette année, si le projet se réalise, nous assisterons à des actions plus ou moins coordonnées sur l’embargo pétrolier et le plafonnement des prix de la part du G7 et de l’UE. Il s’agit de l’ultime tentative de semer la discorde chez les leaders européens (où la Russie sait qu’elle dispose d’un sérieux levier géopolitique).
Bien sûr, le prix plafonné du pétrole sur lequel les membres du G7 se sont mis d’accord laisse quelques questions sans réponses. Le plafonnement est un mécanisme complexe qui requiert la participation de plusieurs parties pour être efficace. Les pays participants doivent refuser assurance, financement, courtage et autres services aux cargos dont la marchandise excède le prix plafond. En l’espèce, l’un des risques encourus est la surconformité, voir des fournisseurs de services refuser d’assurer tout pétrole russe de peur d’enfreindre la réglementation par inadvertance.
Et en tous les cas, comment les législateurs parviennent-ils à fixer un niveau de prix pour les cargos de pétrole ? Comment les négociants identifient-ils le pétrole russe de celui des intermédiaires ? Que se passe-t-il si la Russie tient sa promesse de tout simplement refuser de vendre du pétrole aux pays qui imposent le plafonnement ? Non seulement ceci priverait de pétrole les pays qui sanctionnent, mais il faudrait s’attendre à voir les prix du brut augmenter davantage. De plus, on sent déjà poindre des dissensions au sein de la coalition du G7. D’après certaines informations, le Japon penserait à exclure du plafonnement des prix du pétrole un projet russe d’importance : Sakhalin-2.
À tout ceci s’ajoute la question de savoir comment garantir que le plafonnement aura un effet global, ce qui s’avère difficile lorsque l’on considère la taille relativement modeste de la « coalition du plafonnement ». L’idée est que les pays qui n’ont pas validé les sanctions, mais qui sont d’importants acheteurs de pétrole russe, comme l’Inde et la Chine, seront contraints de respecter le plafonnement parce que, premièrement, ils voudront profiter de bas coûts et, deuxièmement, ils préféreront éviter d’acheter du pétrole sans les assurances nécessaires (les entreprises occidentales représentent environ 90 % du marché de l’assurance). Mais ces pays profitent déjà d’achats de pétrole russe à bas prix et il existe des mécanismes assurantiels alternatifs : des acheteurs indiens seraient tout disposés à utiliser l’assurance protection et indemnité (P&I) fournie par des assureurs russes comme Ingosstrakh. Si la Russie voulait rassurer les assureurs chinois et indiens en remplaçant les compagnies européennes, les garanties souveraines sont une option supplémentaire pour assurer les risques maritimes. Il y a fort à parier que la Russie aura la volonté politique de les leur fournir si cela lui permet de conserver ces gros acheteurs de pétrole tout en opérant sa contre-attaque sur les efforts de plafonnement.
Prenons un peu de recul : où va la crise énergétique ? À court ou moyen terme, aucune solution ne semble se dessiner en Ukraine si l’on considère l’absence de tout progrès diplomatique et l’attitude implacable de la Russie. Aucun assouplissement des sanctions n’est probable avant une détente en Ukraine. Les conséquences de la coupure du gaz russe surviendront cet hiver, quand les prix de l’énergie atteindront leur pic et que l’impact fiscal des énormes subventions publiques dans des pays comme la Suède, la Finlande, l’Allemagne et le Royaume-Uni produira ses effets. On peut déjà raisonnablement s’attendre à ce qui suit : rationnement d’énergie (qui a déjà commencé en Allemagne) ; subventions publiques en augmentation (avec le fardeau fiscal qui les accompagne) ; et troubles sociaux en tous genres dans toute l’Europe.
Nous tenons à remercier Philip Worman et Dr. Chris Tooke, dont les connaissances et l'expertise ont grandement contribué à cette recherche.
Philip Worman est directeur général principal au sein du cabinet d’enquêtes internationales de J.S. Held. Il a rejoint J.S. Held en mai 2022 dans le cadre de l'acquisition de GPW par J.S. Held. Philip a plus de 20 ans d'expérience dans le secteur du risque politique, de la veille économique et des enquêtes, et conseille les clients sur la manière de faire des affaires sur les marchés émergents et frontaliers. Philip possède une expertise particulière dans la politique des sanctions et l'atténuation des risques. Philip donne fréquemment des conférences sur des sujets tels que les enjeux énergétiques eurasiens, les sanctions internationales et la géopolitique. Il est également intervenu en tant que commentateur pour la BBC, le Financial Times, Vedomosti, Bloomberg, Sky News, entre autres médias.
Vous pouvez contacter Philip à l'adresse [e-mail protégé] ou au +44 20 7629 9299.
Le Dr Chris Tooke est directeur au sein du cabinet d'enquêtes internationales de J.S. Held. Il a rejoint J.S. Held en mai 2022 dans le cadre de l'acquisition de GPW par J.S. Held. Chris est un grand spécialiste des risques politiques et réglementaires sur les marchés émergents d'Europe de l'Est et de l'ancienne région soviétique. Il travaille pour de grands clients comme les banques, les entreprises TMT, minières, pétrolières et gazières ou les gouvernements souverains, pour les aider à appréhender l'environnement politique et opérationnel de leurs marchés cibles.
Chris est titulaire d'un doctorat entièrement financé par l'UCL/SSEES, où il a également enseigné la langue et la culture russe dans des cours de premier cycle. Avant de rejoindre J.S. Held, il a travaillé pour l'Economist Intelligence Unit, particulièrement sur les pays post-soviétiques.
Chris peut être contacté à l’adresse [e-mail protégé] ou au +44 20 7629 9299.
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